30 mars 1943 : exécution de René Bonpain au Fort de Bondues

#80ANSFUSILLES #FORTLOBAU

René Marie Joseph BONPAIN

Réseau de renseignement Alliance

Né le 15 octobre 1908 à Dunkerque et fusillé le 30 mars 1943 au Fort de Bondues (Piquet n° 4).

Ordonné prêtre le 29 juin 1932, il est nommé à la paroisse Notre-Dame à Rosendaël.

Domicilié au 3 rue Pasteur à Rosendaël.

Parle l’anglais, l’allemand et l’espagnol.

 

Action :

De retour à Rosendaël en août 1940 après sa démobilisation, l’Abbé BONPAIN aide la population en allant récupérer avec son patronage des cuisines roulantes abandonnées sur la plage, de la nourriture chez les fermiers, jardiniers et boulangers de la région. Il est ouvertement hostile à l’occupant.

Sous sa conduite, les jeunes du patronage défilent en scandant des chants du folklore dunkerquois ou des airs patriotiques (« Viens mon p’tit Fridolin » ou « Ah c’qu’ils ont l’air bête ceux-là ») et brandissent des fanions portant les noms de Du Guesclin ou Jeanne d’Arc.

Entrée en Résistance :

Dès son retour, René BONPAIN organise une poste clandestine entre la zone interdite et l’extérieur grâce à une malle à double fond, la « paulinette » (du nom de son complice, son frère Paul).

Il a laissé pousser sa célèbre barbe car il souffre de problèmes de peau qui l’empêchent de se raser. Son visage devient un symbole.

Évasion :

Par sa foi et son engagement, l’Abbé aide des jeunes qui veulent échapper aux réquisitions de main-d’œuvre à passer en zone libre (pour éventuellement gagner l’Angleterre). Ces passages s‘effectuent grâce à des camions à double fond qui transportent le charbon depuis Lens deux fois par semaine. Il utilise pour cela la filière Caviar.

Une question se pose, celle de sa possible affiliation au réseau Zéro-France. Il travaille avec un groupe composé de: Mme PETERS, une photographe dont le mari, anglais, a été fait prisonnier ; M. DELART, un pharmacien ; M. LIÉNART, un boucher qui officie comme secouriste ; Mlle BOUGELET, une fleuriste dont le magasin sert de boîte aux lettres, de même que la maison de la famille RAOULT ; de Mme FACHE, une assistante sociale ; et de Mme DUBRUNFAUT, une fleuriste dont le beau-frère, facteur, a fourni un cachet postal au groupe.

L’Abbé travaille également avec un groupe de Malo-les-Bains, formé à l’automne 1940, dirigé par l’Abbé LEMAIRE (qui participe à la poste clandestine avec lui) et Henri GUGELOT de Saint-Steban (64 ans). Ce groupe, qui compte également le photographe Marcel PETIT, commence par diffuser les photos du Général de GAULLE et de CATROUX. L’Abbé LEMAIRE avait déjà organisé en juin 1940 le passage vers l’Angleterre par canots ou avions. Les papiers et photos nécessaires pour les passages sont fournis par la dentiste Mme ELLEBOODE et le pharmacien Pierre BONDOIS. Menacé, l’Abbé LEMAIRE part ensuite pour Loon-Plage où il crée un service de renseignement, mais il continue de travailler avec les groupes de Coudekerque et Rosendaël.

En juillet 1941, le groupe de Malo est démantelé, suite aux arrestations de Marcel PETIT, Pierre MALRAUX (neveu d’André MALRAUX), Henri GUGELOT. Messieurs PETIT et GUGELOT seront par la suite exécutés au fort du Vert-Galant à Wambrechies, en représailles au meurtre d’un militaire allemand commis dans la rue de Béthune à Lille. Pierre MALRAUX sera pour sa part déporté.

Entrée dans le réseau Alliance :

L’Abbé BONPAIN est recruté en juin ou juillet 1942 par Louis HERBEAUX, qui le voit souvent venir réconforter les malades de l’hôpital de Dunkerque. Le réseau dans la zone côtière se constitue avec le chirurgien-dentiste A. SAUTIÈRE, l’herboriste Mme MARIN, M. LECLERCQ, et les frères DRUGMAND, ainsi que Jules LANERY. L’Abbé relève l’emplacement des batteries côtières pour le réseau. Les doubles des documents sont cachés derrière les tuyauteries du pavillon des contagieux de l’Hôpital par Sœur Zoé.

 Arrestation :

Jean ROUSSEAU, du groupe Alliance de Lille, est arrêté par les autorités allemandes fin juillet 1942. Il reste silencieux pendant de longs mois d’interrogatoires, mais est finalement piégé par un mouton, Jacques CLOESEN, placé dans sa cellule par l’ennemi. Ses confidences entraînent l’arrestation du Colonel ALAMICHEL, dont le rôle est ambigu. Toujours est-il que ces arrestations à Paris amènent celles de Jules LANERY le 14 novembre, et d’Andrée et de Louis HERBEAUX trois jours après, lors d’un retour de voyage à la capitale. Dès la fin septembre 1942, le patronage de René BONPAIN est surveillé mais celui-ci refuse de fuir.

L’abbé BONPAIN, Paul VERRONS, Alexandre HUS et Suzanne HERBEAUX sont arrêtés le 20 novembre 1942 (Jean BRYCKAERT et Claude BURNOD le 30 novembre). Le groupe de la zone côtière est alors complètement démantelé. René BONPAIN, interpellé à « la maison des vicaires », est envoyé à Loos où il est placé en cellule 101 avec Denis CORDONNIER, futur maire de Lille.

Condamnation :

Le procès du groupe (HERBEAUX, LANERY, BONPAIN) et de Jean ROUSSEAU se déroule au Tribunal militaire de Lille (159 boulevard de la Liberté) le 19 mars 1943. Défendus par Maître QUEMBRE, avocat au barreau de Lille, ils sont jugés au cours de deux audiences différentes. L’Abbé est accusé d’avoir « favorisé l’ennemi, [de] menées communistes et possession d’armes prohibées ». Il est aussi accusé d’être membre d’une organisation qui avait pour but de préparer l’insurrection armée dans le pays.

Ils sont tous les quatre condamnés à mort. Le 29 mars 1943, l’Abbé reçoit, dans sa cellule, le cardinal LIÉNART qui espère obtenir sa grâce. L’OFK 670 de Lille transmet un avis favorable, mais le commandement allemand rejette néanmoins ce recours.

Le 30 mars 1943 à 14h30, les trois hommes (dont LANERY) apprennent qu’ils seront exécutés dans la journée. L’Abbé célèbre une dernière messe et donne la communion à ses amis. Ils écrivent ensuite leur lettre d’adieu. À 16h30, c’est le départ pour Bondues. L’Aumônier allemand, Johann SCHMIDT, prend le chapelet que BONPAIN l’a chargé de donner au cardinal LIÉNART pour sa famille, demande à laquelle il accède le 6 avril.

Hommage :

Sur Radio-Londres, quelques temps après l’exécution des agents, Maurice SCHUMANN évoque « l’exemple » de l’Abbé BONPAIN. De nombreuses photos circulent ou sont exposées dans les vitrines de la région. Elles sont très vite confisquées par la police allemande, qui interdit également l’organisation d’un obit à Rosendaël. Mais celui-ci a quand même lieu le 15 avril 1943 à Dunkerque, où la foule se presse.

Le corps de l’Abbé est exhumé le 19 septembre 1944 en présence de sa sœur, Marie BONPAIN, du docteur MACKE de Mouvaux et d’Achille LEFEBVRE, Maire de Bondues. Il est retrouvé habillé de sa soutane.

        

Le corps de René BONPAIN est rapatrié le 6 octobre 1945 seulement (au moment de l’exhumation, la poche de Dunkerque n’est toujours pas libérée). Les funérailles sont présidées par le cardinal LIÉNART.

Il reçoit la Légion d’Honneur à titre posthume (au titre de Chevalier). L’Abbé BONPAIN est nommé Lieutenant. Déclaré “Mort pour la France”, il reçoit la Croix de Guerre.

Dès le 11 novembre 1944, une rue est rebaptisée rue de l’Abbé BONPAIN à Wervicq. Suivront des rues à Halluin, Seclin, Marcq-en-Barœul, … Le 8 juin 1946, la place de Bondues devient place de l’Abbé BONPAIN.

Le 18 avril 1949 (lundi de Pâques), le monument du sculpteur Maurice RINGOT est installé à Rosendaël sur la place de la Liberté devenue place Abbé-BONPAIN. Il est enclavé dans le mur du presbytère. Un buste de l’Abbé est aussi installé le 16 octobre 1955 au Collège des Dunes.

L’Abbé est également représenté sur un timbre de la série « Héros de la Résistance » ; et un dahlia cactus « Abbé BONPAIN », marque déposée par la pépinière BEYAERT, de couleur rose vénitien, porte son nom.